dimanche 12 décembre 2010

Regroupement nocturne parmi les vaches



Les Vaches !



Dans "Pour une parcelle de gloire" le général Bigeard fait clairement la distinction entre un saut sur une DZ balisée dans le cadre d’entraînement ou en opération et la DZ improvisée telle que la connaissent ceux qui sont largués en saut ops de 200 ou 250 m et de nuit.
L’évocation de cette dernière me rappelle un de ces sauts, où par une nuit sombre, comme les affectionnent les barbouzes, je fus largué avec un binôme quelque part en France.
250 voire 250 m, n’est pas une hauteur de saut qui vous permet de choisir votre point d’impact avec le sol, moins de 30 secondes de descente sont très vite écoulées, le pilote du C47 et le largueur sont les maîtres de votre destin à cet instant. Ce sont eux qui décident du moment où va s’allumer la lampe verte et le "go" qui annonce le bond dans le vide, aucune hésitation ne vous est permise.
GO ! et c’est parti.
Cette nuit là, au-dessus de moi, la corolle salvatrice était bien déployée, je fis un tour d’horizon rapide en jouant sur les élévateurs pour tenter de m’orienter, sous moi, j'aperçus des formes blanches immobiles dans le champ qui détalèrent lorsque je pris contact avec le sol.
Si le silence est quasi total durant la descente sous voilure, l'atterrissage est moins discret, un para équipé produit un bruit sourd caractéristique aisément reconnaissable pour les initiés.
Ce bruit et la voilure qui doucement s’affaissait avaient provoqué la panique parmi le troupeau de vaches, ces formes blanches que j’avais entrevu durant la brève descente étaient des bovins que notre arrivée soudaine avait effrayés.
Je fis rapidement un pliage sommaire du parachute, mon binôme tout proche, un petit corse, en faisait autant, tout à coup le comportement des bêtes changea, lentement elle s’étaient rassemblées sur un demi cercle dont nous étions le centre, tête baissée cornes pointées elles nous faisaient face.
La situation devenait menaçante, nous pressentions la charge imminente de ces bêtes imposantes. Je dis à mon camarade "Elles vont charger, tirons nous ", ramassant parachute et sac d’explosifs sont fonçons vers la clôture la plus proche.
Ce n’était la bonne décision, ce décrochage rapide au pas de course provoqua leur réaction, les vaches, méfiantes envers ses inconnus tombés du ciel, démarrèrent ensemble cornes pointées bas. Ce n’était une charge comme celle d’un taureau, mais plutôt une manoeuvre d’intimidation qui signifiait clairement "Dehors !". Les imposantes cornes étaient suffisamment dissuasives pour nous imposer un repli.
Chargés comme des mulets, nous ne pouvions pas détaler à toutes jambes, a tour de rôle nous faisions front avec de grands moulinets des bras, nous ne pouvions pas crier non plus, la mission devait se poursuivre discrètement, les bêtes s’arrêtaient un instant et reprenait leur attitude belliqueuse dès que nous repartions.
La clôture fut franchie d’un élan, haletants nous nous regardâmes et éclatâmes d’un rire nerveux et contenu; "Ah ! les vaches !"
Nous avons dissimulés les deux parachutes dans un buisson proche, chargés nos sacs et armes et après avoir fait le point sur la carte avons repris notre route.
Ces animaux domestiqués ont su garder, dans leur gène, un reflex d’auto défense, collectif alors que dans un environnement sans prédateurs pour eux depuis des siècles, on aurait pu penser qu’ils les avaient perdus.
Voila comment deux parachutistes en mission de sabotage durent fuir devant quelques vaches qui mécontentes d’être dérangées durant la nuit les obligèrent à détaler.
Mais, les parachutes, allez vous demander ?
Une équipe "amie" invisible se chargeait de la récupération des pépins. Ce type d’opération devant rester très discret.


Georges BOURDEAU

mardi 7 décembre 2010

Largage effectué ! R.A.S


Préparation des paras
avant de sauter

Ce décollage à la verticale, inattendu, se déroula à la caserne des Petites Ecuries à Versailles, je faisais une démonstration de la technique de dégrafage du harnais quand le parachutiste est, par vent fort, traîné sur le sol par la voilure.
A défaut de vent , nous employons une méthode simple qui consiste à faire traîner le parachutiste harnaché par deux hommes qui tirent la voilure par la cheminée. Ces parachutes réformés de vieux T4 et T5 américains sont destinés à l’instruction.
Ce jour là, le ciel était menaçant et le vent très irrégulier, Après avoir démêlé les suspentes pour permettre à la coupole de se gonfler sans problème, j’enfile le harnais et joignant le geste à la parole, j’explique comment procéder pour stopper le training sur le ventre en tirant quelques suspentes pour amener le bord d’attaque de la voilure vers soi, la surface étant réduite , le vent n’a plus de prise et la coupole s’affaisse...
La démonstration terminée, je demande un volontaire, un jeune pré-militaire prend ma place dans le harnais, se couche sur le sol, tandis que deux de ses camarades soulèvent le bord d’attaque pour que le vent assez faible à cet instant ,s’y engouffre.Le résultat ne fut pas celui escompté, une rafale soudaine et violente arriva arrachant la voilure des mains des deux tireurs surpris et sous mes yeux incrédules, je vis le jeune traîné sur le sol durant quelques mètres puis subitement décoller à la verticale, le parachute entièrement gonflé pris de l’altitude, traversa toute la vaste cour de la caserne et s’accrocha au sommet de la façade du bâtiment, deux étages plus haut, a quelques dix mètres de hauteur!Le jeune, percuta le mur avec assez de violence, mais il était de la trempe dont sont fait les parachutistes, amortissant le choc avec ses deux jambes il encaissa le coup sans dégâts , il fit le geste bien connu, pouce levé ‟ je suis OK ‟Le problème était que nous n’avions pas d’échelle pour aller le dégager, grimper les escaliers a toute allure et chercher la bonne fenêtre fut l’affaire de quelques secondes.Suivant mes conseils, il se dégagea de son harnais et l'agrippant par son treillis et les jambes nous le ramenâmes à l’intérieur de la pièce.
Un parachute, comme son nom l’indique, est fait pour ralentir une chute, pas pour décoller, mais 54 m2 de voilure subitement gonflés par une rafale développe assez de puissance pour entraîner, voire soulever, une personne de 65 kg.
Je revois encore, stupéfait, ce gars décoller, il avait eu beaucoup de chance de s’en tirer sans une égratignure. Nous en avions eu une preuve irréfutable ce jour là.

Georges BOURDEAU